Naissance d'Agathe
- Laurence
- 17 avr. 2016
- 21 min de lecture
3ème enfant, 3ème grossesse idyllique. Quelques nausées au début mais rien de bien méchant, jamais de vomissements. Je me sens en pleine forme, je fais mon jardin, on continue les travaux dans la maison, je m'occupe de Chloé et Nathan sans difficultés, je porte encore Nathan dans le porte bébé pour aller à l'école jusqu'aux vacances d'été. Je n'ai pas pris beaucoup de poids en plus, j'ai un petit ventre. D'ailleurs les mamans de l'école ne voient que quand j'arrive dans le dernier mois que je suis enceinte, ça me fait rire car les gens parfois me demande avec hésitation si je suis enceinte alors qu'il ne me reste que quelques semaines !

Ce dernier mois je le savoure, c'est ma dernière grossesse, je me sens tellement belle et épanouie, j'ai envie de rencontre mon bébé dont je ne connais pas le sexe mais j'ai également envie de profiter au maximum de ces mouvements au creux de moi. Je sais que je n'irai pas plus loin que 39SA, comme les 2 précédents. J'en ai la certitude. Je parle même du 8 juillet, lune noire, 38SA+4, je préviens ma mère que ça sera certainement autour de cette date. Elle doit s'absenter alors je lui rappelle que ce jour là, ça serait bien qu'elle soit rentrée.
Le week-end précédent ce lundi 8 juillet je sens que ça se prépare doucement. Je sens que la naissance est proche. Pourtant à part mon col qui s'ouvre doucement les contractions ne sont pas différentes des autres jours.
Le dimanche soir, je sens que les contractions deviennent désgréables. Je passe une très mauvaise nuit mais je n'ai pas le besoin de me lever, Youssef est au travail alors je peux m'installer comme j'en ai besoin dans le lit. Il rentre à 6h, il vient se coucher à coté. J'ai besoin de rester seule alors je me lève vers 7h. Je me prépare pour aller acheter mon pain. Marcher me fera du bien. Peu avant que je parte, Chloé se lève. Je lui dis de m'attendre pour que son frère reste avec elle s'il se réveille.
Pendant le petit déjeuner, je préviens Chloé que si je me lève de ma chaise pour m'appuyer sur la table c'est parce que la naissance se prépare, les contractions sont désagréables et j'ai du mal à rester assise. On a déjà longuement parler de cette naissance, que peut être je n'aurai pas le temps de partir et j'accoucherai ici, que si je crie elle ne doit pas s'inquiéter, elle a déjà vu beaucoup de vidéos de femmes qui accouchent et elle n'est pas impressionnée. On parle de ce petit bébé, on pense toutes les deux que c'est une fille. Je lui demande de ne pas en parler à Youssef pour ne pas l'inquiéter.
Youssef se lève dans la matinée. Je sens que les contractions s'espacent, même si elles restent désagréables, je sais au fond de moi que le travail commence mais que je suis trop dérangée. J'ai besoin de m'isoler mais avec les enfants pas facile. Nous avons des soucis d'internet alors je vais passer un moment au téléphone pour essayer de rétablir la connexion. Finalement, nous devons aller à Mayenne échanger la Livebox. La voiture va peut être faire avancer les choses de mon coté.
L'après midi je vais devoir faire 2 fois l'aller-retour. D'abord en famille puis seule, j'ai donné le fil du téléphone avec la livebox en panne !!
Une fois la connexion rétablie, je fignole le ménage, je l'ai déjà fait la veille mais j'ai besoin que la maison soit propre, je rappelle à mon mari quelques petites choses pour le jour J. Je sens que mon corps est en veille, qu'il attend la tranquilité pour relancer le travail.
Sous la douche, je m'examine, le col a bougé depuis la veille, la poche des eaux commence à bomber très légèrement, c'est un des premiers signes chez moi que le travail a commencé, il ne manque plus que les contractions régulières et plus intenses.
Les enfants sont couchés tôt, Nathan n'a pas fait de sieste, reste Youssef qui traîne à se coucher, moi je discute sur l'ordinateur en prenant ma tisane dans la cuisine.
A 21h06 j'envois un sms à ma mère pour la prévenir de garder son téléphone à portée de main cette nuit, que ça se prépare sans avoir vraiment démarré.
Il fait chaud, Youssef va prendre une douche vers 22h15.
Je vais aux toilettes, pertes rosées, ça y est j'en ai la certitude, la rencontre est imminente mais tant que je ne serai pas seule le travail ne va pas se lancer. Je discute sur Facebook, avec des mamans de juillet, je les surprend par la perception que j'ai de mes sensations, de la connaissance que j'ai de mon corps. C'est comme si j’attendais un rendez vous important. Moi-même je suis épatée par les signes que m’envoie mon corps. Les contractions sont espacées mais je sens qu'elles tirent bien, qu'elles sont efficaces sur le col.
22h30 La sœur de Youssef me parle en discussion privée, je ferme la conversation avec une parole désagréable qui énerve Youssef, je suis gênée de ma réaction alors j'essaie de lui connecter mon netbook à internet, pas moyen, il va finalement téléphoner à sa sœur, j'espère pouvoir être enfin tranquille mais non il se relève au salon, il est 23h passé et je me sens énervée, j'ai envie de l'envoyer balader, de lui dire qu'il me dérange et que je veux qu'il aille se coucher, qu'il me fiche la paix !
Je vais alors prendre une douche, peut être que ça va lancer le travail. Je sent la poche des eaux qui bombe de plus en plus, j'ai peur qu'elle éclate, d'être obligée de le dire à Youssef et de partir à la maternité.
Quand j'en sors Youssef est toujours debout, j'ai envie de pleurer, comme si on me dérangeait dans mes révisions pour un examen important.
Vers 23h30 nous allons nous coucher, j'ai peur qu'il se doute de quelque chose alors je vais faire comme d'habitude puis me relever une fois qu'il dormira. En attendant, je gère les contractions allongée, je ne suis pas bien mais je sais que bientôt je pourrai rejoindre le salon, m'installer sur mon ballon. En attendant, je continue de discuter sur Facebook, certaines sont surprises quand j'explique que j'ai envie que l'accouchement aille vite, que j'ai besoin de faire le travail seule et que je veux accoucher seule, tranquille. Car oui dans ma tête tout est organisé, je reste chez moi, le travail est rapide, bébé naît, j'ai prévu un petit nécessaire dans mon sac, ensuite on appelle le SAMU, je suis transférée à la maternité...
Un tracteur commence à faucher l'herbe dans le champs en face, Youssef râle, il est fatigué.
Enfin il commence à s'endormir, mes contractions qui étaient toutes les 15/30mn commencent à se rapprocher, je me détends, le travail va pouvoir passer à la vitesse supérieure.
0h30 je me lève pour aller aux toilettes, Youssef dort à moitié, je vais prendre une grande couette dans le placard, il ne réagit pas. Je m'installe mon petit nid, musique du Peuple Migrateur, lumière au dessus de l'évier allumée d'abord puis lampe en sel de l’Himalaya ensuite c'est plus doux, mon ballon sur la couette dépliée, quelques noix à grignoter, un verre d'eau pour me désaltérer. Je commence à me mettre dans ma bulle, je me sens enfin apaisée, je suis sereine, je parle à mon bébé, je lui explique que la nuit va être longue mais que nous serons ensemble, je caresse mon ventre, je visualise mon col qui s ouvre à chaque contraction. Très vites elles sont rapprochées, je les compte avec mon téléphone, toutes les 6mn une belle contraction sur une minute. Entre les contractions, je marche dans le salon, je fais le tour de la table, du canapé, puis lorsque la contraction arrive je me met à quatre pattes les bras en appui sur mon ballon, parfois assise sur le ballon, je souffle profondément. Je me sens tellement bien, je suis submergée par les hormones du bien être; les endorphines. Je suis presque euphorique, j'en pleurerai de bonheur d'être enfin en paix pour cette belle rencontre qui se prépare.
2h45 je commence à avoir sommeil, j'irai bien me coucher, entre deux contractions je me sens tellement bien que j'en oublierai l'intensité des contractions, j'en ai une belle qui m'irradie les reins pour me rappeler à l'ordre. Je décide d'aller m'allonger un peu quand même mais Nathan se réveille vers 3h, je vais à son chevet, je somnole, les contractions s'espacent à 10mn, je suis sortie de ma bulle et le travail se ralenti.
Vers 4h, je me rends compte que j'ai réussi à somnoler un peu, les contractions se sont espacées à 10mn. J'ai repris des forces mais Nathan doit sentir qu'il se passe quelque chose. Dès que je quitte sa chambre, il se réveille alors je le ramène dans notre lit. Je compte sur la présence de Youssef pour l'apaiser.
4h23 Nathan ne dort pas, Youssef quitte la chambre il veut aller dormir sur le salon alors je lui demande d'aller dans le lit de Nathan. Je peux m'asseoir sur mon lit le temps que Nathan s'endorme, j'arrive un peu mieux à supporter la douleur qu'en étant allongée.
A 5h je retourne m'examiner. Je passe 2 doigts largement, le col se modifie bien, les contractions sont fortes. Je suis de nouveau dans mon salon sur mon ballon, je supporte mieux la douleur.
5h18 une contraction me coupe le souffle. Le travail s'intensifie. J'ai l'impression que celle là est bien plus longue mais non, elle est simplement plus forte que les précédentes. Je pense que la naissance sera au plus tard en fin de matinée à ce rythme.
Vers 5h40 je m'allonge sur ma couette, j'ai encore besoin de me reposer.Les contractions s'espacent à nouveau pour me laisser un peu de répit. Le corps est tellement bien fait ! Mais à 6h10 une contraction très intense me fait bondir sur mon ballon, c'est dur, j'aimerais que cette douleur disparaisse, je commence à en avoir assez, j'aimerais que ça se termine, je me souviens des jours précédents, revenir en arrière et pouvoir me coucher le soir, dormir tranquillement...
6h15 je retourne examiner mon col, je peux écarter mes 2 doigts dedans, il s'ouvre doucement, pas assez rapidement à mon goût, Youssef va bientôt se lever, je vais devoir lui dire, il va vouloir m'emmener à la maternité, je me sens tellement bien ici je n'ai vraiment pas envie de partir.
6h30 j’entends son réveil, ça y est. Il se lève, me trouve au salon, je lui explique que j'ai passé la nuit ici, que le travail a commencé, oui je vais accoucher, le col est bien ouvert, la poche des eaux bombe. Il est tout chamboulé,il s’assoit près de moi, je lui dis que je suis tellement bien ici, je n'ai pas envie de partir, j'éclate en sanglots, je regrette déjà la solitude de la nuit ou j'étais dans ma bulle. Il essaie de me raisonner, «si on va partir à la maternité» il refuse que j'accouche ici. Je lui explique que j’espérais que ça aille plus vite que ça. Il appelle ma mère, lui demande de venir car je vais accoucher, elle attendait mon appel et n'est pas surprise. Il appelle aussi son travail pour leur dire qu'il ne pourra pas venir car je vais accoucher. Il se prépare rapidement. Je ne sais plus à quel moment il sort, il manque de vomir à cause de l'émotion.
Ma mère arrive, je pleure à nouveau dans ses bras, je lui dis que je n'ai pas envie de partir, je lui raconte ma nuit, elle me répond que c'est le contre coup de la fatigue qui me fait pleurer.
Chloé se lève, Nathan mettra un peu plus de temps à se lever, il a mal dormi. On prend le petit déjeuner en parlant de ce bébé, Chloé sait déjà que la naissance est imminente, je lui avais dis la veille en la couchant, ma mère rigole en disant que seul Youssef n'était pas au courant. Je voulais le ménager, le laisser dormir un peu car si je lui avais dit il n'aurait pas dormi alors que la nuit précédente, il n'avait déjà pas dormi. Je mange quelques petits pains grillés pour prendre des forces. Les contractions s'espacent doucement, mon corps se remet en pause.
Nous allons préparer les affaires des enfants, je rassemble les miennes, je vérifie ma liste que je n'ai rien oublié.
Ma mère part de son coté avec les enfants, j'ai un pincement au cœur, je leur ai fait un gros câlin, ils sont contents d'aller chez mamie. Nous partons de notre coté directions Mayenne. Les contractions sont de plus en plus espacées, je n'en ai aucune durant le trajet. Je préviens sur facebook que je suis partie à la maternité, que finalement ça ne sera pas chez moi, que j'ai les boules.
Nous arrivons peu après 9h. Je crois que c'est une auxiliaire de puériculture qui nous accueille. Elle m’emmène dans une salle d'admission, j'ai un petit regret car sur les 2 ce n'est pas celle où j'étais pour Nathan. Elle me demande de me déshabiller et passer la blouse, la sage-femme va arriver. Elle me demande ma carte de groupe sanguin, le livret de famille, ma carte vitale.
On s'installe, on met la télé, on prend quelques photos sous la pendule. Il est 9h09. Je m’assois sur le lit, je suis détendue mais je me sens « fermée », une sensation étrange, comme si mon corps était là mais mon esprit est ailleurs, je n'arrive pas à m'approprier les lieux.
Un homme rentre, je comprends que je vais avoir l'honneur d'être suivie par le maïeuticien, Sébastien. Je lui dis que quand j'ai accouché de mon fils, il n'était pas encore là, il fait la remarque à l'auxiliaire qui est arrivée derrière lui, il fête ce jour même sa 1ère année à la maternité.
Je lui explique que depuis la veille j'ai des contractions douloureuses, régulières, que je sens que le col se modifie, que la poche des eaux bombe. Il me pose le monitoring, j’entends le cœur de mon bébé qui bat la chamade. Il m'examine. Oui le travail a commencé mais le col n'est pas encore effacé, on ne peut pas encore donner d'ouverture. Je lui montre avec mes doigts l'ouverture que je sens, à quoi ça correspond, il est d'accord avec moi, 2 doigts larges. Ça m'amuse car il me demande comment je sais comment est mon col. Alors je lui explique que je m'examine, il me demande comment je fais? Et il me dit qu’une fois il a eu un homme chauffeur de poids lourds qui examinait sa femme ! «Ah mais moi je fais ça les mains propres, je vais aux toilettes, je me lave les mains, je n'essuie pas pour ne pas contaminer avec le torchon et je m'examine, ou alors je le fais sous la douche mais toujours les mains propres surtout !»
Il me laisse là, maintenant il faut que les contractions reviennent pour que ça avance.
Je ne me souviens plus à quel moment il a dû parler d'accoucher seule sans doute car Youssef lui a répondu que je voulais accoucher chez moi, le sage-femme me regarde avec des grands yeux « mais vous connaissez les risques ? Hémorragie... » oui et alors, il n'y a pas de raison, pourquoi toujours voir les risques !!
Nous regardons la télé, Youssef voulait mettre des dessins animés, je lui demande un documentaire, on met Arte. Rien de bien passionnant mais ça passe le temps. J'essaye de me détendre, d'accepter que mon petit bébé naîtra ici, je me parle intérieurement, j'aimerais que les contractions reprennent. Je pense à ce qu'il pourrait se passer si le travail ne redémarre pas. Le sage-femme va t'il me parler de déclenchement ?
Le temps passe, le monitoring reste totalement plat, j'explique à Youssef que c'est normal, j'ai été dérangée pendant le travail, mon corps c'est remis en veille, je ne voulais pas venir, à me forcer... j'ai tout bloqué mais ça n'est pas volontaire, c'est un réflexe de mammifère, quand la femelle ne se sens pas en confiance...
Au bout d 'une bonne demi-heure le sage-femme reviens, je lui dis que j'essaie de me détendre mais ça ne revient pas. Il me laisse encore un petit quart d'heure ensuite, si rien, on rentre chez nous et on revient une fois le travail relancé. Quand il revient pour la seconde fois, je viens d'avoir ma 1ère contraction depuis notre départ de la maison ! Alors il nous propose d'aller marcher autour de la maternité et de revenir un peu plus tard faire le point.
Je me rhabille, nous prenons nos affaires et nous quittons la maternité vers 10h. A peine un pied posé dehors que j'ai une contraction ! Nous hésitons à aller marcher et finalement nous décidons de rentrer chez mes parents, là bas nous retrouverons les enfants, ma mère sera là si besoin pour s'en occuper, Nathan va téter pour faire sa sieste ça aidera peut être le travail à se relancer. Je suis heureuse de quitter cet endroit !
A peine un pied dehors, à quelques mètres de la porte de l’hôpital, j'ai déjà une bonne contraction.
En rentrant nous faisons un détour pour prendre de l'essence, j'aurai encore quelques contractions mais elles sont peu rapprochées.
Lorsque nous arrivons, elles reprennent doucement leur rythme. J'appelle la maternité pour prévenir que nous sommes rentrés chez mes parents, ils ont toujours mes papiers !
J'installe Nathan pour la sieste, je lui donne à téter et je reprends le calcul des contractions grâce à mon téléphone, il est 11h06 . Elles sont là toutes les 5mn de nouveau bien fortes. Il met peu de temps à s'endormir, moi je les compte jusqu'à
11h38, puis j'arrive à somnoler un peu entre 2 contractions. Mais vers midi je bondis du lit, je ne supporte plus de rester allongée. Je rejoins ma mère dans la cuisine, je me souviens être restée un moment avec mon ballon sur l'herbe, peut être avant la sieste de Nathan. Puis, je vais rester dans la cuisine. Ma maman prépare le déjeuner, elle me demande combien je veux de fraises, je compte manger un peu pour me donner des forces avant de retourner à la maternité où là, je n'aurai pas le droit de manger.
Youssef est là, nous discutons. On parle de la poche des eaux. Je raconte que j'ai lu que quand elle pète, il faut se mettre à l’abri car ça peut projeter loin ! Les contractions s’enchaînent, je vais voir mon col, ça bouge, il est plus ouvert, mais je ne saurai pas dire de combien, je sens la tête, la poche des eaux, je crois qu'il est totalement effacé.
Tout le monde se met à table, finalement je n'ai pas faim. Je ressens le besoin de m'isoler à nouveau. Je vais dans le salon, je prends un petit tapis épais pour mettre sous mes genoux et je me remets à 4 pattes sur mon ballon. Je retourne dans ma bulle, je me sens bien.
Vers 13h , je commence à gémir à chaque contraction, je sens que ça tire bien. J'ai espoir que ça avance vite maintenant. Youssef vient me demander plusieurs fois si ça va, il veut me ramener à la maternité mais je n'ai pas envie. J'ai peur que le travail se stoppe à nouveau si on y retourne.
A 13h03 j’envoie un dernier message sur Facebook à mes copines, je leur dis que je ne me vois pas faire le trajet à gérer les contractions qui commencent à être vraiment intenses.
Vers 13h15 ma mère vient me voir, elle a un rendez-vous à 14h, elle me demande si on part maintenant, je lui dis entre 2 contractions que je ne vais pas pouvoir gérer en voiture, j'ai trop mal, elle me propose à 4 pattes derrière mais là j'ai vraiment mal, je sens une pression à chaque contraction, je gémis sur une contraction je l'entends qui me dis que là, je ne peux pas crier en plus. Youssef arrive aussi et ensemble ils commencent à réfléchir pour m’emmener. Je propose même d'appeler les pompiers pour pouvoir rester allongée pendant le transport !
Je retourne m'examiner, je sens qu'il ne reste plus beaucoup de col, je sens la poche et la tête à la sortie, je me mets à pleurer. Ma maman arrive derrière et me dis que ça n'est pas la peine de pleurer. Je sens que la fin est proche, je n'ose pas le dire, je n'en suis pas certaine, je retourne sur mon ballon gérer la contraction suivante. Les questions se bousculent dans ma tête: Est-ce que je suis à dilatation complète ? Est-ce qu'il est encore temps de partir ? J'ai du mal à penser, je culpabilise de leur imposer mon choix, tout repose sur moi et mon ressenti... Je dis à ma mère que je n'ai pas senti le poids tomber dans le bassin comme pour Nathan, alors j'ai un doute si c'est la fin ou non. Je m'examine à nouveau en étant à quatre pattes, appuyée sur mon ballon. Je sens ce petit reste de col, la tête à la sortie, la poche des eaux prête à exploser.
Je ne sais plus à quel moment mon père était rentré pour s'installer devant la télé puis rapidement, il est sorti en entendant mes cris.
Chloé est rentrée dans le salon, elle est assise sur le canapé. La contraction suivante, je dis que ça pousse, je demande à Youssef de me masser le bas du dos. Les contractions irradient les reins. J'ai mal, je commence à crier doucement, ma mère demande à Chloé de sortir. Youssef veut partir à la maternité, j’entends ma mère lui répondre « si c'est son choix d'accoucher à la maison on va pas l’empêcher... Pourvu que ça se passe bien c'est tout... ». Moi je suis confiante, je suis bien ici, je me sens très sereine, je n'imagine pas que ça se passe mal.
Je sens la pression augmenter au moment de la contraction, je hurle que ça pousse, au fond de moi je doute toujours si c'est la fin ou non ; si mes sensations ne sont pas fausses.
Ma mère court à l'étage chercher un drap propre. Pendant ce temps, je leur énumère tout ce que j'ai lu pour me préparer à cet accouchement sans assistance médicale. Je leur dis qu'ils n'ont rien à faire, le bébé va tourner tout seul, qu'il faut juste vérifier qu'il n'a pas le cordon autour du cou. Le cordon pas besoin de clamper, il va s'arrêter de battre, dans le petit sac pour la salle d'accouchement que Youssef avait ramené entre temps j'ai de l'huile de ciste pour éviter l'hémorragie.
Elle me pose le drap un peu déplié sur le petit tapis sous mes genoux. Une contraction arrive, la pression est tellement forte, je hurle, la poche des eaux explose, je vois seulement quelques gouttes sur le drap, je gémie que ça fait mal une fois que la contraction se calme. La contraction suivante arrive, je sens cette envie d'aller à selles. Je sais que là je vais devoir passer outre cette sensation, qu'elle signifie que la rencontre est imminente, je me souviens nettement que c'est la même qu'à mes précédents accouchements. Je m'excuse si je fais un peu, mais j'ai besoin de pousser de toutes mes forces, la sensation est tellement forte, plus aucun doute, je sens la tête qui fait pression sur le périnée. Mon bébé va naître maintenant, je hurle à plein poumons mais ce cri m'aide à pousser, la tête sort, déjà un soulagement. La pression diminue légèrement, j’entends un petit grognement, petit cri étouffé glougloutant. Je sens des mains toucher la petite tête, je vais aussi vérifier autour de son cou, je ne sens rien, puis la contraction arrive, je pousse, je sens que bébé progresse les épaules sont passées. Je hurle toujours, une autre contraction arrive. La 3ème depuis la rupture de la poche, je pousse encore, je suis à genoux les talons sur mes fesses, je me cambre en arrière, je sens mon bébé glisser hors de moi, je l'attrape sous les bras, le prend contre moi. Il crie, un peu hésitant au début mais il prend son souffle, je l'entend, je lui parle, je le rassure. Je le sert contre ma poitrine, je pleure, je ne réalise pas, mon bébé est né, je suis comme dans un rêve, quel soulagement, j'ai réussi! c'est fini! J'ai accouché là, chez mes parents, dans leur salon, c'est allé tellement vite, il y a quelques minutes encore je me demandais si je devais partir et me voilà à serrer mon petit être dans mes bras. Je regarde ma mère, elle me dit qu'elle est émue, je crois qu'elle est au bord des larmes aussi. Je cherche à m'allonger pour pouvoir le mettre au sein rapidement et pour éviter l'hémorragie. Youssef me ramène des coussins, je m'allonge, je suis sur mon nuage. Bébé a du mal à prendre le sein, il pleure encore mais il a déjà une couleur plus rosée, il nous montre que tout va bien.
Youssef prend le téléphone, il nous dit qu'il appelle le SAMU, il a mon feu vert maintenant que mon bébé est né, peu m'importe. Pendant ce temps nous mettons le bonnet à bébé pour éviter qu'il se refroidisse, une serviette de toilette sur lui pour le sécher, puis ma mère soulève la jambe de bébé, elle rigole en me disant que Chloé avait raison, oui c'est une petite Agathe. D'ailleurs pour moi, c'était une telle évidence que je n'ai même pas pensé à regarder !!
Le SAMU pose quelques questions, on regarde l'heure, on avait oublié, il est 13h44.
Du coup, on estime la naissance à 13h42, à vrai dire on ne sait pas bien, peut être 13h40. Youssef leur explique que bébé pleure bien, maman va bien aussi. Ma mère regarde entre mes jambes ça n'a pas l'air de saigner beaucoup. Moi j'ai bien senti que ça coulait mais la poche des eaux ne s'étant pas vidée au moment où elle a percée, tout le liquide est sorti ensuite avec les saignements. Ils disent à Youssef de mettre bébé en peau à peau pour éviter qu'il se refroidisse. J’enlève ma robe, Youssef me rajoute des coussins et j'arrive à mettre Agathe au sein, elle tète goulûment, me provoquant des contractions qui me rassurent. Le placenta devrait bien se décoller.
Nous attendons la venue des pompiers, le SAMU va mettre un peu de temps ils sont sur une autre intervention à plusieurs dizaines de kilomètre de là, peu importe, je me sens bien.
Je demande à ma mère de me mettre quelques gouttes d'huile de ciste en préventif mais les saignements sont faibles, aucun signe d'hémorragie. Elle rassure Youssef qui lui est un peu impressionné.
Ils prennent des photos, vont chercher Chloé qui dessinait tranquillement
Assez rapidement, nous entendons la sirène du camion de pompier, ils vont réveiller Nathan qui faisait encore sa sieste, il est environ 14h il ne m'aura pas entendu hurler c'est aussi bien.
Les pompiers arrivent dans la salle, mes parents connaissent le chef, l'ambiance est détendue. On leur explique le déroulement, ils demandent des serviettes sèches, un saladier pour le placenta si besoin, ils vérifient les saignements, me font un premier bilan ainsi qu'à Agathe. Tout le monde va bien. J'ai plusieurs épisodes de contractions où je sens quelques pertes à chaque fois, l'utérus travaille. Je pense au placenta mais je n'ose pas pousser, le SAMU ne va pas tarder ils vont s'en occuper. Je crois que c'est à ce moment qu'une jeune pompier me nettoie les pieds et les jambes, je suis pleine de sang. Ma mère tire le drap pour que je sois au sec.
Le SAMU arrive vers 14h15, un médecin et une infirmière. La chronologie des évenements est un peu embrouillée dans ma tête. Je me souviens qu'ils ont posé des questions, je leur ai dis que j'avais des contractions alors ils se sont occupés du cordon, je l'ai pris dans mes doigts, il ne battait plus. Ils l'on clampé. J'ai demandé si le papa pouvait le couper, comme pour nos deux autres enfants c'est donc Youssef qui a coupé le cordon. Le médecin a appuyé sur mon ventre, je lui ai dis que je ne savais pas si le placenta était bien décollé ; il m'a répondu qu'on allait voir. J'ai poussé, il est sorti sans problème, je me sens moins lourde, moins gonflée. Il l'examine, il est entier, tant mieux!Il demande l'heure, 14h23, la délivrance est faite. Il parle avec l'infirmière de me mettre une perfusion d'ocytocine. Chose que je refuse en leur disant que j'ai déjà beaucoup de contractions, n'ayant pas de signes d'hémorragie... Du coup, il ne m'en met pas.
14h30 le médecin examine Agathe, test des réflexes puis je reprends Agathe en peau à peau.
Les pompiers ramènent le brancard, on me tient Agathe le temps que je me lève et que j'aille m'allonger dessus, je n'ai aucun vertige je n'ai pas l'impression d'avoir accouché !
L'infirmière me branche des électrodes afin d'assurer une surveillance pendant le trajet.
Le médecin appelle, la maternité notamment le sage-femme qui nous attend.
Vers 14h40 on fait rentrer Nathan et Chloé pour qu'ils me disent au revoir, Nathan est impressionné, on prend quelques photos. Puis les pompiers m’emmènent dans l'ambulance.Il me semble avoir fait un dernier coucou aux enfants afin qu'ils me voient partir.
L'infirmière est très gentille, elle me dit qu'elle connait ma mère. Elle a déjà eu des accouchements à domicile mais je suis la 1ère à l'avoir souhaité. D'habitude, les mamans ne le font pas volontairement.
Je lui explique que je ne voulais pas accoucher à la maternité, que je m'examinais mais que je n'arrivais pas à savoir quand on aurait dû partir à la maternité sans que ça bloque à nouveau. Tout s'est enchaîné très vite à la fin et ça risquait de se passer dans la voiture et là ça aurait été bien plus compliqué. Entre le manque de place, les conditions pas terribles et la chaleur aussi.
Elle surveille régulièrement si je n'ai pas d'hémorragie, tout va très bien je me sent prête à faire une promenade même ! J’envoie des messages à mes amies pour annoncer la naissance. Certaines sont surprises, d'autres sont heureuses que j'ai réussi à avoir l'accouchement que je souhaitais.
15h20 nous arrivons à la maternité. On m’emmène en salle d'accouchement où je retrouve le sage-femme. Je lui réponds que oui c'est moi... j'ai le sourire... lui un peu moins.
J'entends le médecin du SAMU lui dire les gestes pratiqués, la perfusion qu'il a hésité à mettre. Le sage-femme lui répond qu'il aurait dû en mettre. Pompier et SAMU me disent au revoir.
Le sage-femme me fait un premier bilan, l'auxiliaire vu le matin vient aussi. Il me mettent une perfusion, pas d'ocytocine mais j'ai du mal à savoir précisément ce qu'il y a dedans. Peu après, Youssef arrive. J'ai peu de saignements, ils m'appuient sur le ventre, tout va bien. Il me prend la tension, trouve mon poul assez faible, je suis en dessous de 60, il me demande si je suis sportive. Oui plutôt quand même parce que sinon ça peut être signe d'une hémorragie sauf que je n'ai pas la tête de quelqu'un qui en fait une !! Il fait un examen à Agathe, la pèse, je l'estime à 3kg/3kg200 elle fait 3kg110, je ne m'étais pas trompée ! Il lui administre les vitamines. Il lui met une couche puis me la remet en peau à peau. Il nous laisse les trois. Agathe dort paisible sur moi, je tellement heureuse, je n'imaginais pas un aussi bel accouchement.
Ils reviennent, l'auxiliaire veut habiller Agathe, je demande à le faire moi-même avec les tenues que j'ai préparées. Comme elle dort, je préfère la garder en peau à peau.
Derniers examens pour moi, tout va parfaitement bien, le sage-femme me débranche la perfusion, je me relève sans problème pour aller m'asseoir sur le fauteuil roulant, Agathe toujours dans mes bras.
Il est environ 17h30 quand je rejoins ma chambre, c'est une double, j'ai une voisine car le service est complet. Youssef appelle mes parents pour leur dire qu'ils peuvent venir.
Assez rapidement, une sage-femme vient pour faire un bilan à la voisine, elle nous parle du service qui est blindé alors le sourire aux oreilles, je lui réponds que je peux sortir dès le lendemain, il fait chaud, je me sens bien, je n'ai pas spécialement envie de rester.
Ma sortie précoce a été acceptée, j'ai quitté ma chambre à 17h30 exactement. J'ai regardé la pendule du couloir au moment où je sortais.
J'étais vraiment heureuse, certainement mon dernier accouchement et tout a été parfait d'un bout à l'autre. J'ai pu accoucher dans un lieu familier, entourée des personnes qui me sont chères. J'ai pu gérer comme je souhaitais l'accouchement, je n'ai pas eu à subir leurs protocoles, on m'a laissée tranquille. Le passage à la maternité a permis de rassurer tout le monde surtout Youssef qui aurait été très inquiet que je reste à la maison mais aussi ma mère qui se demandait si en vérifiant le cordon elle n'avait pas fait mal à Agathe. Je ne sais plus à quel moment elle m'a expliqué qu'Agathe avait une main dans le cou en naissant, c'est une chance qu'elle n'avait pas le bras en l'air, le passage aurait été moins évident. Mais je faisais vraiment confiance à mon bébé, j'étais certaine que l'accouchement serait similaire aux précédent et que tout se passerait bien, il n'y avait aucune raison pour que ça se passe mal et puis je suis sûre que je l'aurais senti, que mon corps m'aurait envoyé des signaux s'il y avait eu un problème. Je pense que le fait d'être aussi confiante et détendue pendant l'accouchement malgré les douleurs des contractions ont aidé au bon déroulement.
Maintenant une page se tourne pour moi, je ne serai plus jamais une femme enceinte mais je suis une maman comblée.