Lettre à Eliott
Eliott,
Voilà, nous y sommes, à ce fameux week-end de Pâques. Je pensais que tu nous aurais déjà rejoint mais non. Le terme était le 12 avril et après un ou deux faux travail durant le week-end tu as décidé de te montrer à la fin de celui-ci. Nous avons eu un week-end chargé de repas de famille et de bons moments encore à trois avec ton frère.
Lundi 18 avril, ton papa est persuadé qu’il va retourner au travail le lendemain et moi aussi. Je commence même à accepter l’éventualité que tu naisses à l’hôpital par déclenchement comme ton frère.
00h30, je me réveille avec la sensation d’être mouillée dans ma culotte. Je passe aux toilettes et constate que la poche des eaux a dû se fissurer. Je me change et protège le lit avant de me recoucher. Cependant, une heure plus tard, je suis à nouveau réveillée et toute mouillée. Les contractions commencent et il me devient impossible de me rendormir. Je suis excitée et si heureuse par l’approche imminente de notre rencontre ! J’écris à notre doula, R. et également à notre sage-femme, M., elles nous ont suivis tout au long de cette grossesse. R. me répond de suite et me dit de la prévenir dès que je veux qu’elle vienne. Pour l’instant ça va je lui récrirai plus tard.
Je décide donc de me lever et j’averti ton papa que je perds doucement les eaux et que les contractions ont commencées! Il est tellement endormi qu’il ne comprend pas vraiment que ça y est, nous allons bientôt te rencontrer. Je lui demande de descendre avec moi pour préparer le salon mais il me dit que nous avons encore le temps et se rendort… Bon ...
Je ne tiens plus en place alors je descends au salon. Je déplace quelques jeux de ton frère K., du salon à sa chambre, protège le canapé avec les draps et le rideau de douche. N’ayant pas de nouvelles de M., je pars l’appeler dans le bureau. Elle me dit qu’elle se tient prête depuis mon message et que je peux la recontacter dès que les contractions s’intensifient et se rapprochent. Au plus tard nous avons rendez-vous ce jour-là à 10h pour le contrôle des 41 semaines. Je réalise alors que cela peut encore durer plusieurs heures et cela m’inquiète un peu je dois dire, j’aimerai bien accoucher dans le silence et la douceur de la nuit. J’essaie donc de me reposer sur le canapé mais je ne suis pas à l’aise et commence à faire des allés et retours aux toilettes.
2h15, R. me demande comment ça va, si je gère ou si je veux qu’elle vienne. Je décline son offre car me dis que cela peut encore durer longtemps. Finalement à 3h15, je lui dis de venir les contractions s’intensifient de plus en plus et se rapprochent ! Je vais chercher ton papa car je ne pourrai bientôt plus monter l’escalier en colimaçon qui mène à notre chambre sur la mezzanine. De plus, je ne veux pas prendre le risque de réveiller K. en l’appelant car il dort paisiblement dans notre lit. Ton papa descend, encore tout endormi et commence gentiment à réaliser que j’ai perdu les eaux et que j’ai besoin de lui !!!
Il regonfle un peu la piscine, car voilà bien 3 semaines que nous l’avons préparée, nous étions si persuadés que tu nous rejoindrais plus vite. Il l’installe au salon avec la bâche de protection. J’essaie de l’aider mais j’ai vraiment de plus en plus de contractions qui m’oblige à m’arrêter de bouger et parler. En attendant R., ton papa m’aide à faire les allés-retours aux toilettes en me soutenant par le bras, je n’arrive presque plus à marcher et la position sur les toilettes m’est très inconfortable. Je me mets à quatre pattes sur les tapis du salon, les bras reposant avec mon torse sur le ballon et fais des petits balancements avec le bassin. Voilà, ainsi je me sens mieux et j’arrive à accompagner les contractions.
R. arrive vers 3h50 et aide ton papa à remplir la piscine. Il se relaie un peu tous les deux pour me masser le dos et me souffler des mots réconfortants. Je dis à ton papa que c’est le moment d’appeler M. car les contractions se succèdent et ne me laissent plus de répit !
M. arrive vers 4h20, elle écoute ton petit cœur et me demande comment ça va. Elle me propose de l’homéopathie pour m’aider avec les contractions, ce que j’accepte volontiers car je n’ai vraiment aucun moment où je peux souffler. Tu vas bien et moi aussi. Cependant, comme je suis dans la même position depuis 1heure de temps, M. me propose de changer de position et de me mettre debout en m’accrochant au cou de ton papa. Je n’arrive pas à me lever seule, les contractions sont si fortes, ton papa et M. m’aident à me lever. Je me balance doucement avec le bassin en m’accrochant fermement à ton papa, peut-être 5 minutes, je te sens descendre d’un coup dans mon bassin, c’est impressionnant !
J’ai de la peine à me situer dans le temps, je suis dans ma bulle tout du long, mis à part quand ton papa se tire un café et que son réveil sonne, ah ah ! Tout du long je me vois dans ma barque qui passe au dessus des vagues et qui me rapproche de toi mon petit cœur ☺
A 5h du matin la piscine est remplie et M. me propose d’y aller, c’est maintenant où jamais car je commence à sentir ta tête pousser sur le col ! Je rentre dans l’eau et cela me fait beaucoup de bien, je me sens plus légère. Tout d’un coup une contraction violente me tétanise, ça y est on y est !! Je dis tout bas que ça pousse ! J’accompagne les poussées tout doucement mais te laisse arriver à ton rythme. Je suis accoudée à la piscine, à genoux, toujours cramponnée au coup de ton papa. J’ai soif, j’ai peur de ne pas y arriver, de me déchirer, mais quelle idée j’ai eu d’accoucher sans péri ! Je perds un peu pied et commence à lutter contre les contractions ! M me remet à l’ordre et me dit de ne pas lutter et de continuer à faire mes sons graves. Ces paroles m’encouragent et je me concentre à nouveau !
Tout à coup, je sens ta tête qui sort un peu, je la touche tendrement et t’encourage dans ma tête à nous rejoindre. Je suis plus que jamais prête pour cette dernière étape ! Après deux contractions ta petite tête sort, suivie ensuite par une épaule, puis la deuxième et tout le reste de ton petit corps. M. te rattrape doucement, je me tourne et te prends dans mes bras. Te voilà ! Tu es si beau, si petit ! J’y suis arrivée, à la maison, sans péridurale, seule, chez moi, entourée de ton papa, R, M et ton frère juste au-dessus de nous qui est resté endormi tout du long !Même tes premiers pleurs ne l’ont pas réveillé ! Tu nous a rejoins à 5h25, dans le calme du petit matin.
Tu pleures et n’arrives pas à reprendre ton souffle. M. me dit qu’il faut qu’on coupe le cordon plus vite que prévu pour qu’elle te sorte de l’eau et t’aide un peu à te reprendre. Papa coupe alors le cordon et t’accompagne avec M. sur le canapé. C’est bon tout va bien, tu as seulement été surpris par ta venue si rapide ! Elle te remet à papa en peau à peau le temps que je sorte de la piscine. Ton papa et moi sommes si émus.
Une fois couchée sur le canapé, nous regardons enfin quel cadeau la vie nous a donné. Ton père a cru voir quelque chose qui pendait entre les jambes mais sous le coup de l’émotion, il n’est pas sûr. Nous découvrons donc ensemble que tu es un petit gars. Notre deuxième fils, Eliott.
Dix minutes plus tard, le placenta sort entier et normal. M. fait le prélèvement pour l’isothérapie et ton papa et R. font ensuite quelques empreintes avec en souvenir. Nous le conservons ensuite au congélateur en prévision de le planter quelques jours plus tard dans le jardin de tes grands-parents maternels, sous un petit érable du japon. Ton frère se réveille une heure plus tard et te découvre dans mes bras. Il est présent pour les premiers soins. Un peu remué par tes pleures, il s’en va jouer dans sa chambre avec ton papa, puis relayé par R. Puis, c’est à mon tour, j’ai déchiré un peu à l’endroit où j’avais eu l’épisiotomie pour ton frère. Une fois lavée et changée, je ne quitte plus le canapé avec toi dans mes bras. Les tranchées se font très vite sentir quand tu tètes. Ton papa se charge donc d’aller nous acheter de quoi déjeuner pour accompagner la bonne tresse que R nous a préparée. Ton frère, ton papa, R et M déjeunent à table et nous deux dans le canapé.
A 11 heures nous voilà seuls tous les quatre. C’est à ce moment que je réalise vraiment à quel point ta naissance a été magique et que c’est si agréable d’être chez soi, avec sa famille, sans personnel médical partout! Jamais je n’aurai pensé réussir à accoucher sans hurler et crier mais je l’ai fait en grognant, par peur de réveiller ton frère peut-être ou bien simplement par instinct, en tout cas je n’ai pas trop réfléchi, j’ai juste vécu chaque seconde à fond dans ma bulle en ne pensant qu’à toi mon bébé. Ton papa a été mon pilier, un soutien inconditionnel, en me réconfortant et m’encourageant. Je m‘y suis cramponnée tout du long.
M. est revenue nous voir en début de soirée et les jours suivants. Le pédiatre bien que retissant à ce que j’accouche à la maison et venu volontiers nous trouver le lendemain pour la visite de santé, puis nous sommes allés à son cabinet pour ta première semaine de vie.
Ta naissance nous a réconcilié, ton père et moi, avec l’accouchement et a terminé de panser les blessures passées. A aucun moment je ne me serai vue partir de chez moi, ce fut naturel, serein, dans notre intimité et entouré de deux femmes extraordinaires. Tu as été parfait toi aussi et cela fait maintenant déjà six mois que tu illumines nos vies.
Nous t’aimons plus que tout Eliott.
Ta maman