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Lola des étoiles


Jeudi 20 novembre 2014, 18sa+4.

On ne peut plus sauver notre bébé. Une erreur médicale et tout fou le camp.

On reçoit toutes les informations sur le déroulement des prochains jours qui ne s’annoncent pas très heureux. « J’aimerai qu’on me sorte ce bébé du ventre le plus vite possible, que ce soit finit, qu’on passe à autre chose ».

J’étais dans le déni total.



Nous avions fait le choix de ne pas la voir. Ne sachant pas à quoi ressemblait un bébé à ce stade-là, j’avais peur d’avoir peur de mon bébé. Dans l’après-midi un anesthésiste passe pour m’expliquer la péridurale qui me permettra de souffrir moins que pour un accouchement normal. J’aurai à disposition un bouton sur lequel je pourrai appuyer toutes les 15minutes pour me soulager.

16h : le gynéco m’amène le Myfégyne, qui a pour but d’interrompre la grossesse. Mais avant ça, je dois signer un papier d’interruption volontaire de grossesse. Très ambigu le terme « volontaire » quand le choix ne l’est pas.


Voilà, on nous laisse avec mon mari. Je prends le médicament, le laisse fondre contre la gencive. C’était ignoble, un goût de poussière de plâtre, pâteux et très difficile à avaler, j’ai mis 30minutes à le finir. Mon corps était devenu un cimetière. Nous avions tué notre premier bébé.


20h: Le travail commence. Des douleurs atroces me tordent le ventre. Après le contrôle, je ne dilate pas. On me donne des calmants et de la morphine pour m’aider à dormir.


Vendredi: Je me réveille vaseuse. Une longue journée à attendre qu’on me transfert en salle d’accouchement. Je pensais qu’ils avaient une salle spéciale pour les femmes accouchant d’un bébé mort, mais non, je suis à la même enseigne. Un anesthésiste vient me poser la péridurale. Le bruit de fond de ces femmes en travail et de ces bébés poussant leur premier cri. Il comprend ma douleur, me demande si j’ai besoin de quelque chose pour me détendre, je l’en supplie. Il m’injecte une dose d’anxiolytique dans le cathéter. Quel bien fou, je suis détendue, je suis au-dessus de tout ça, ça ne me touche plus le temps d’un instant. Je me souviens de cette petite conversation hors du temps. Il me dit : Vous vous sentez bien ? Je lui dis que j’ai l’impression d’avoir bu un gros verre de vin rouge. Et il me répond en souriant : J’espère que vous aimez l’effet que vous procure le vin rouge!


Plus tard, une gynécologue vient me poser des laminaires, des tiges d’algues insérées dans le col, qui, en s’humidifiant, gonflent et le dilatent. 2 pastilles de Cytotec viennent compléter le menu. La nuit passe. Mon mari a pu avoir un lit à côté du mien. Je souffre, j’appuie, j’entends ces bébés naître. Je veux disparaitre. C’est insoutenable.


Samedi 22novembre: Je déjeune avec 2 pastilles de cytotec. Une gynécologue vient enlever les laminaires, et me dit qu’elles ont bien fait leur travail, l’accouchement est pour aujourd’hui. Je n’ai jamais pris de cours d’accouchement, l’instinct et l’aide de la sage-femme, cette sage-femme pleine de bienveillance que j’écoute attentivement. Elle me contrôle, s’absente, revient, repart. Elle me dit que ça va bientôt être le moment et qu’il faudra que je l’appelle quand je sens qu’il faudra pousser.


Vers 12h15 je sens que mon bébé est en train de sortir, mon mari appelle la sage-femme. Elle me dit : « c’est imminent ». Je respire, je pousse. Mes souvenirs sont flous. Je ne sais plus vraiment combien de fois j’ai dû pousser. C’était instinctif. Je survolais ce qui m’arrivait. Puis j’ai sentis mon bébé sortir de moi dans un silence total. Il était 12h27. La sage-femme l’a prise, l’a nettoyée, l’a emmaillotée. Puis est revenue nous demander si nous voulions la voir. On dit encore une fois non. Avec le recul, je n’imaginais pas que je regretterai autant ce choix. Mais c’était notre décision, ce jour-là, avec ce que nous venions de traverser. Elle nous explique qu’elle va la prendre en photo et faire ses empreintes de pieds que nous pourrons récupérer plus tard.

Ce n’était pas fini. Mon placenta immature, ne sort pas. Je devrais attendre dans cette salle jusqu’à 17h, pour aller faire un curetage.


Une injustice supplémentaire s’ajoute à notre peine, le bébé ne faisant pas 300grammes et n’ayant pas atteint 22SA, nous ne pourrons donc pas récupérer ses cendres, ni l’inscrire dans notre livret de famille, car il est non considérée comme un bébé viable.

Avant de quitter l hôpital on nous donne 2 rendez vous, le 1er dans 2 semaines pour connaître le sexe de notre bébé et le second dans 3 mois avec le professeur Holfeld (il était à la tête du département de gynécologie du CHUV). Il voyait chaque famille qui avait vécu un drame. Pouvoir causer de ce qui est arrivé, avoir les résultats de l autopsie et la possibilité de voir les photos.

Le jour ou nous avons appris que c était une fille, on en a profité pour noyer notre chagrin en vins chauds puis au retour mon mari m'a dit: et si on l appelait Lola.Une évidence.


Chemins faisants dans ma tête et mon coeur, j avais un bébé, une fille, et je ne savais même pas quel visage lui mettre. Je l imaginais...à 6mois, 4ans... très souvent, elle courait après Hidalgo (mon chat d' amour qui nous avait quitté une semaine après Lola). Elle riait aux éclats, elle avait de long cheveux blonds ondulés. C est comme ça que je l ai toujours vue.


Le 2ème rendez-vous se rapprochait et je questionnais mon chéri. Il était sûr de ne pas être prêt à voir les photos mais il accepterait que je les prenne à la maison.

Nous étions en février, j avais fais du chemin, j allais voir chaque semaine une pédopsychiatre. J'avais, entre temps, écris une lettre pour me plaindre d une gynécologue des urgences qui, par sa négligence, m' avait fait perdre mon bébé.


On se retrouvait donc là, dans ce grand bureau avec ce gentil professeur qui trouvait les mots pour nous apaiser. Il nous apprend qu'en effet, l autopsie n a rien révélé d anormal. En gros, c est du " pas de bol". Il nous conseilla de faire une boîte avec des choses qui lui appartienne, de lui faire une cérémonie. Il nous demanda si on voulait prendre les photos faites à sa naissance. Il y avait aussi le petit bonnet qu' elle portait sur les photos. Je lui ai dis que je voulais les prendre et lui demanda si elle faisait peur et il m' a répondu: "Elle est parfaite. C est juste un tout petit bébé".


2 jours plus tard mon mari est parti travailler et j en ai profité pour me retrouver seule à seule avec ces photos. Et, quel soulagement de la voir et d avoir ces 2 images d' elle, si paisible. J ai pleuré.


20 avril 2015, date du terme de Lola. On trouve un champ parfait pour allumer un lampion, qu'on laisse s envoler. Il fait doux. J accroche des petites chaussures à un arbre au dessus d' une rivière, dans lesquelles nous avons laissé un petit mot d amour.


4 jours après, j apprends que je suis à nouveau enceinte...


Bientôt 4ans ont passés, mais la douleur fait partie de ma vie chaque jour. Parlez de l’horreur. En parler, c’est ce qui rend ces petits anges vivants.


Merci à Alyson de m’avoir permis de raconter mon accouchement, celui qui fait peur, et dont les gens ne veulent pas entendre. Celui qu’il vaut mieux « oublier et passer à autre chose".


A Lola, mon bébé des étoiles


Delphine Ayer








(Crédit images

1: Illustration par Jil Kororo

2: Ombelline brun, artiste sur bois, actuellement en crowfounding)

© 2015 by Aly Douli Doula Mamma

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