Mon parcours du combattant pour mon allaitement
Isaac est né en janvier 2017, pour ce deuxième trésor j’avais une certitude: l’allaiter. J’avais allaité ma grande une année, j’étais armée de connaissances, d’erreurs à ne pas refaire, de convictions.
Les débuts se sont très bien passés. Comme pour ma première, j’ai eu beaucoup de lait. Des montées de lait importantes, les seins qui coulent constamment, un bébé qui s’étouffe tellement il y en a mais qui gère bien cela.
Au bout d’un mois, j’ai eu ma première mastite. Avec de l’argile verte, du chou, des anti-inflammatoires, j’ai finalement vu le bout. Deux semaines après rebelote, mais cela n’a pas passé si facilement.
Heureusement 2 jours plus tard j’avais mon rendez-vous gynécologue post-accouchement. La mastite était importante. La boule très présente, le sein rouge et chaud, je ne me sentais pas bien et les tétées étaient compliquées. Ma gynécologue a donc décidé de me faire un ultrason: un abcès. La mastite avait dégénéré. Les premières larmes d’une longue série sont venues ternir ces débuts de vie avec mon bouchon.
Ma gynécologue a tout de suite compris que je voulais tout tenter pour maintenir mon allaitement. Des antibiotiques, une série de 7 ponctions (pour tenter de vider l’abcès sans passer par la chirurgie) n’ont rien donné.
Cette première partie a duré près de 2 mois. L’abcès diminuait, puis reprenait de l’ampleur, je devais donc refaire une ponction, reprendre des antibiotiques. Je devais prendre les enfants à l’hôpital, mon mari demandait congé pour m’accompagner, je plaçais les enfants chez leurs grands-parents, etc. Tous les 2-3 jours je voyais soit ma gynécologue soit je devais aller à l’hôpital. Quand j’allais à l’hôpital je devais tout re-expliquer, me justifier, accuser le coup des regards insistants me prenant pour une folle car je souhaitais continuer d’allaiter.
Au bout de 2 mois, j’ai du accepter que cela ne fonctionnait pas et je me suis faite opérer. Une anesthésie générale, une plaie ouverte dans le sein qui devait se refermer de l’intérieur.
Avant l’opération j’ai donné, en pleurs, la dernière tétée à mon fils. Le médecin chef qui m’opérait était catégorique, je ne pourrai plus l’allaiter. Heureusement en parallèle j’avais ma gynécologue qui me confirmait que je pourrai continuer, une amie (future conseillère en lactation) et la Leche league de mon côté. Mais quand un médecin vous dit que ça fait 20 ans qu’il fait ce métier, qu’il a lui-même eu des enfants et qu' à un moment donné il faut être raisonnable; je me suis mise à douter.
Bref, je suis donc sortie de cette opération avec un trou dans le haut de mon sein, une « paille » plantée à l’intérieur et des rendez-vous tous les jours à l’hôpital pour laver la plaie. Tous les jours, puis tous les 2 jours j’ai du placer mes enfants, les trimballer à l’hôpital pour affronter des rendez- vous qui prenaient entre 20minutes et 3heures. On me rinçait la plaie, on me refaisait le pansement et je rentrais chez moi. 2 heures plus tard le pansement était imbibé de lait, je mettais donc un linge de bain dans mon soutien-gorge pour être « sèche ».
Ce fut une traversée du désert pour moi. J’étais épuisée, tellement peinée par tous ces allers-retours que j’infligeais à toute ma famille. Petit à petit les rendez-vous se sont espacés. Tous les 2 jours puis tous les 3 jours. Chaque fois, je devais me justifier, « oui j’allaite toujours », « oui je souhaite plus que tout continuer », « non je n’ai pas fait tout ça pour arrêter maintenant ». La moitié du temps je rentrais à la maison en pleurs, démotivée par l’équipe médicale, j’étais dans une galère, fragilisée par mes hormones, par la fatigue et par tous ces jugements et toutes ces personnes cotoyées.
Un mois après mon opération la plaie déjà presque refermée s’est infectée. Je suis allée en urgence chez ma gynécologue, devant mon désarroi à l’idée de recommencer depuis le début elle m’a proposé de m’opérer elle et de prendre en charge les soins. Le mois passé à l’hôpital m’avait traumatisée. En toute logique l’opération n’avait pas réussi mais pas parce que j’avais continué d’allaiter. La plaie, située sur le haut du sein ne permettait pas à la cavité de faire son travail et au pus de s’écouler.
J’ai donc recommencé, cette fois j’ai demandé une anesthésie locale, le fait d’avoir une anesthésie générale la première fois m’avait paniquée. La douleur durant cette opération était vive, les parties infectées ne sont pas endormies par l’anesthésie locale, je ressentais donc beaucoup de choses.
Ma gynécologue aidée par son collègue m’ont fait cette fois 2 trous. Le même que la première fois et un trou en bas pour permettre au lait, pus et autres joyeusetés de s’écouler.
Et j’ai recommencé... Tous les jours, tous les deux jours, des enfants placés, transbahutés. Ca été le pire finalement.
Heureusement, ma Maman est infirmière et a pu assurer une partie des soins.
Cela a duré 2 mois, suivie par ma gynécologue dans son cabinet d’Orbe, d’Echallens et par son collègue dans son cabinet de Sainte-Croix.
Des douleurs dont le souvenir, une année après, me montent encore les larmes aux yeux. La plaie ne devait pas se refermer trop vite, alors parfois mon médecin devait forcer le passage pour réouvrir la plaie. Lors d’un rendez-vous j’ai tellement hurlé de douleurs qu’une fois fini je suis allée vider mon sac et mes larmes chez ma soeur pour ne pas que mes enfants me voient dans cet état.
Finalement les plaies se sont refermées, j’ai été suivie encore un mois pour s’assurer que rien ne se reformait. J’ai pu tirer un trait définitif 6 mois après le début de mon abcès.
Mon allaitement aura duré 17 mois. Il s’est fini dans la douceur et la bienveillance, lorsque tous les deux nous étions prêts. J’en suis tellement fière.
Si j’apporte ce témoignage et que je le confie à mon amie Alyson, s’est aussi pour montrer que malgré des débuts difficiles on peut s’en sortir. Le personnel médical n’est pas forcément le mieux informé mais quand il l’est c’est une vraie ressource.
Dans la vie il faut se battre, avec Isaac nous nous sommes battus pour ensuite vivre de merveilleux moments de complicités et d’osmose.
Pour son enfant, on peut soulever des montagnes!
Grace à cet épisode, j’ai réalisé à quel point je suis forte et pleine de détermination.
C’est une belle leçon sur moi-même.